Le débat autour de la réforme du rythme scolaire revient au cœur de l’actualité avec l’annonce, par le président Emmanuel Macron, du lancement en juin 2025 d’une convention citoyenne dédiée à “l’organisation des temps de l’enfant”. Ce sujet, sensible et récurrent en France, touche à des éléments fondamentaux du système éducatif : la durée des vacances scolaires, les horaires quotidiens de cours, et l’équilibre général entre apprentissage et bien-être de l’élève.
Ce projet de consultation entend donner la parole à des citoyens tirés au sort, qui auraont l’occasion d’auditionner des experts et formuler des propositions. Il s’inscrit dans une volonté présidentielle de repenser le quotidien des élèves pour le rendre plus propice aux apprentissages, à la concentration et à la santé globale. Le chef de l’État déplore notamment un empilement de semaines scolaires trop denses, causé selon lui par des vacances d’été jugées excessivement longues et une organisation des journées d’école trop fatigante.
Ce constat n’est pas nouveau. Dès juin 2023, Emmanuel Macron s’était insurgé contre une année scolaire marquée par des périodes de travail intensif entrecoupées de congés, soulignant que ces interruptions prolongées nuisent particulièrement aux élèves les plus fragiles, ceux qui bénéficient le moins d’un encadrement familial structurant. Une rentrée scolaire anticipée, dès le 20 août pour les enfants en difficulté, avait même été évoquée. La ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, partage cette analyse. Elle estime que la coupure estivale devrait être réduite à partir de 2026, considérant que les longues vacances accentuent les inégalités scolaires.
La France se distingue pourtant par une certaine complexité dans l’aménagement de l’année scolaire. Avec au moins 36 semaines de cours et environ 16 semaines de vacances, le pays est dans la moyenne européenne, bien qu’il se démarque par la fréquence et la longueur de ses petites vacances. Les grandes vacances françaises (huit semaines) sont inférieures à la moyenne européenne de 9,2 semaines. Toutefois, les professionnels du tourisme, fortement dépendants de la saison estivale, craignent les conséquences économiques d’un éventuel raccourcissement. Pour eux, toute réduction de la période estivale reviendrait à compromettre une part essentielle de leur activité économique, notamment dans les secteurs de l’hôtellerie de plein air ou des sports d’hiver.
La réforme du temps scolaire reste cependant un chantier semé d’embûches. L’exemple de la réforme de 2013, initiée sous la présidence de François Hollande, reste particulièrement dans les mémoires. Elle visait alors à instaurer la semaine de quatre jours et demi à l’école primaire, mais avait rencontré une opposition virulente de la part des enseignants, des collectivités territoriales et de certains parents. Le retour au rythme de quatre jours dès 2017 a marqué une forme d’abandon de cette tentative, révélant les nombreuses résistances institutionnelles et sociales.
Aujourd’hui encore, la perspective d’une nouvelle réforme suscite la défiance des syndicats enseignants. Le SNES-FSU, principal syndicat du second degré, dénonce une manœuvre de diversion visant à occulter les véritables urgences de l’Éducation nationale : la pénurie d’enseignants, la surcharge des classes et les conditions de travail dégradées. La secrétaire générale, Sophie Vénétitay, y voit un exercice médiatique éloigné des réalités du terrain. D’autres représentants syndicaux s’élèvent également contre ce qu’ils perçoivent comme une attaque déguisée contre les enseignants, souvent accusés de bénéficier de trop de congés.
Pourtant, certains spécialistes saluent l’idée d’une remise à plat du calendrier scolaire. Claire Leconte, experte des rythmes de l’enfant, soutient l’idée d’une meilleure répartition des temps de repos. Selon elle, le véritable problème réside moins dans la longueur des vacances d’été que dans le rythme saccadé du reste de l’année, marqué par des coupures fréquentes qui nuisent à la continuité pédagogique. Elle milite en faveur d’une alternance plus régulière entre périodes de cours et périodes de repos, selon un modèle de sept semaines d’école suivies de deux semaines de pause.
En parallèle des vacances scolaires, la question des horaires quotidiens fait également débat. La charge de travail journalier des élèves français est jugée lourde, avec des journées longues, souvent suivies de devoirs à domicile. Certains professionnels de santé plaident depuis longtemps pour un aménagement des horaires en fonction de l’âge et du rythme biologique des enfants. Démarrer les cours plus tard au collège ou au lycée, voire concentrer l’enseignement sur la matinée, sont des pistes explorées. Une pétition allant dans ce sens, lancée par l’influenceur Sensei des Mots sur le réseau social TikTok, a connu un fort écho médiatique et a été prise en considération par les autorités.
La convention citoyenne à venir pourrait donc représenter une opportunité pour sortir de l’impasse, à condition de parvenir à un équilibre entre les intérêts divergents des familles, des enseignants, des collectivités locales, des professionnels du tourisme et des experts en éducation. Elle pourrait aussi nourrir une réflexion plus large sur la place de l’école dans la société, les finalités de l’éducation, et les moyens à consacrer à un service public souvent fragilisé.
Cette initiative présidentielle ouvre un espace de débat sur un sujet hautement symbolique, révélateur des tensions structurelles de l’école française. Si elle parvient à éviter les écueils du passé et à instaurer un dialogue constructif, elle pourrait amorcer une réforme ambitieuse. Mais encore faudra-t-il qu’elle dépasse les postures politiques et les contraintes économiques pour réellement améliorer le quotidien des élèves…